Le projet d'un Conseil de l'Ordre : 1885 - 1896
En 1885 le projet d’un « Conseil médical » est repris sous forme d’une « Société centrale de Déontologie » et, après la loi Chevandier qui reconnut en 1892 une existence légale aux premiers syndicats médicaux auxquels revenait la défense matérielle des médecins, les projets, interventions, et exposés concernant la création d’un Ordre des Médecins se multiplièrent de 1884 à 1898 .
A ce sujet, il faut mentionner l’intervention de nombreux membres de l’Association Générale des Médecins de France (AGMF), fondée par le Docteur P. Rayer en 1858, à l’origine d’exposés, en particulier ceux du Docteur Lalesque d’Arcachon, du Docteur Lassale de Lormont en 1897, devant l’union des syndicats médicaux, du Docteur Surmay de Saint Quentin (auteur en 1885 d’un projet de constitution d’un Ordre des médecins), du Docteur Mougeot de l’Aube, avec rapport du Docteur Rance en 1886, du Docteur Dignat présenté devant la Société de médecine pratique de Paris (25 février 1892), du « Journal de Médecine de Paris » (31-1-1897 ), de la « Revue du Praticien » (25-2-1898 ), et du sénateur Bublet lors de la discussion au Sénat de la loi d’organisation médicale du 30 novembre 1892.
Reconnaissons que les interventions et l’action des membres de l’AGMF, premier organisme professionnel de secours mutualiste à couvrir le territoire national, préfigure, avec les organismes syndicaux, la création d’un Ordre des Médecins.
Des résistances, et même des oppositions en particulier, ne manquent pas de survenir : celle de l’Union des syndicats, d’abord tentée par la formation d’un « Ordre » (1887) s’en éloigne finalement par crainte des chambres de discipline et de la tutelle politique. Il faut citer également la méfiance du très médiatique Doyen de la faculté de médecine de Paris, Paul Brouardel, conseillant prudemment d’attendre l’établissement d’une telle autorité, laquelle, d’après certains, risquait de s’opposer à la sienne ! Un peu plus tard, signalons également dans le Concours médical, l’article très critique du Docteur P. Boudin à l’égard d’un Ordre des médecins (Concours médical n° 8 bis du 22 février 1933).
En 1896, le Professeur Grasset publie, en appendice à la troisième édition de ses consultations médicales, une dizaine de pages consacrées à « quelques principes de déontologie » avec le sous-titre : « devoirs des médecins entre eux ». Cet auteur note que : « la médecine et les médecins ne seront honorés et estimés à leur valeur que si les médecins eux-mêmes donnent l’exemple de la considération réciproque et suivent scrupuleusement, dans leurs rapports mutuels, les règles de haute convenance que la coutume, à défaut de la loi, impose à la confiance de chacun ». Le professeur Grasset ajoute (nous sommes en 1896) : « il est regrettable qu’il n’existe pas un Conseil de l’Ordre dans notre corporation. »
Il faut rappeler également la proposition en 1904 du Professeur Lereboullet d’un projet de rédaction d’un code de déontologie résumant ainsi « il n’est que temps pour tous les médecins de bien savoir ce que la loi médicale proscrit, ce qu’elle considère comme préjudiciable aux intérêts professionnels ».
Les leçons que depuis 1860 le Professeur Ambroise Tardieu consacre chaque année à la déontologie médicale répondent à la même préoccupation, professionnelle et universitaire…