L'Ordre actuel
L’ordonnance du 24 septembre 1945, signée par Monsieur Billioux, ministre communiste de la santé à cette époque, crée définitivement l’Ordre actuel qui se voit « chargé du maintien des principes de moralité, de probité, et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine… et à l’observation des règles dictées par le code de déontologie. »
Dans « L’Honneur de Vivre », le Professeur Robert Debré cite l’attitude courageuse du Professeur Portes, qui rappelait à chaque médecin son obligation, notamment l’obéissance absolue au secret professionnel que l’occupant nous demandait de violer. C’est également le Professeur Portes qui dédia en 1947 la préface du premier code de déontologie médicale : « à tous les médecins français qui, sous l’occupation, préfèrent la déportation ou la mort à la violation de leur secret professionnel ». « L’Ordre des médecins s’est bien comporté, pas le ministère de la santé qui était truffé de représentants de Vichy » fait observer le Professeur Milliez.
En effet, au sentiment de honte et au déshonneur que suscitent la haine banalisée, les crimes raciaux de discrimination et d’exclusion durant cette période de triste mémoire, il ne faut pas oublier non plus que le corps médical, des médecins les plus anonymes à ceux de nos patrons les plus connus sans méconnaître également les étudiants en médecine et les internes des hôpitaux, a contribué par ses actes de courage à s’illustrer dès sa création en 1942 dans le service de santé national de la Résistance et dans le Comité national des médecins, qui fusionnèrent ensuite dans le Comité médical de la Résistance.
Rappelons qu’une circulaire du Premier Ministre en date du 2 octobre 1997 confère aux archives détenues, pour la période de l’Occupation de 1940 à 1945, le caractère d’archives historiques. Leur facilité d’accès (loi du 3 janvier 1979) permet donc la consultation des archives publiques ou privées détenues par les conseils départementaux : transparence justifiée et indispensable pour une période de notre histoire douloureusement confrontée à un engrenage de faits odieux et de comportements à jamais regrettables, mêlant la délation à l’idéologie la plus sectaire.
A l’évidence, le Conseil National de l’Ordre des Médecins n’a pas été à l’abri de critiques, de justifications, de réformes comme le projet Terquem en 1991, de demandes de sa suppression par le parti socialiste : propositions de loi en janvier 1975, en mars 1979, et en 1981 dans une des 110 propositions de l’engagement du candidat Mitterand à la Présidence de la République, considérant l’institution ordinale comme «une offense pour la démocratie ».
Cet engagement est tempéré du reste quelque temps après par « l’élaboration des textes nécessaires à la mise en œuvre de l’engagement et que soit largement débattue à cette occasion la question de savoir si la suppression de l’Ordre National doit s’accompagner de maintien, au plan local, d’une organisation de type professionnel chargée de remplir un certain nombre de tâches concrètes liées à l’exercice de la profession. Le gouvernement devra en effet peser les avantages et les inconvénients avant de déterminer le choix qu’il soumettra au Gouvernement précision contenue dans la lettre de Madame Y. N., Conseiller Technique à la Présidence de la République, à l’attention du Docteur S. N., en date du 11 mars 1982 (document personnel).
L’Institution Ordinale est bien consciente qu’elle doit évoluer en fonction de l’avancée des progrès scientifiques dans l’intérêt des personnes malades et de la santé publique tel que le prévoit l’article 2 du code de déontologie, lequel est remis à jour régulièrement dans une réflexion ordinale collégiale sous l’autorité d’un conseiller d’Etat, membre du Conseil de l’Ordre. L’Institution ne méconnaît pas non plus les réformes indispensables attendues par les médecins en rapport avec les programmes universitaires, les obligations indispensables liées à la formation médicale continue, les nouveaux modes d’exercice, les différentes conditions d’installation, les variations démographiques du corps médical, les nouvelles législations du code pénal ou du code de la santé publique…
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu en 1988 un arrêt confirmant l’autorité légitime de l’Ordre des médecins tel qu’il existe depuis 1945 et la Conférence Internationale des Ordres et Organismes d’attributions similaires créé en 1971 a été constituée dans le cadre du traité de Rome et dans la perspective de l’application des décisions communautaires en Europe après le 31 décembre 1992. Cette perspective concerne également l’application des principes qui doivent guider la conduite professionnelle des médecins, quel que soit leur mode d’exercice dans leurs rapports avec les malades, la collectivité et également entre eux. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins Français est représenté en permanence à la Conférence Internationale des Ordres, comme aux travaux du Conseil de l’Europe et du Comité Permanent des Médecins de la CEE.depuis 1987.
Enfin, le Parlement Européen a adopté le 16 décembre 2003 une résolution réaffirmant l’importance de la déontologie, confortant le rôle des ordres professionnels et estimant que « l’importance que revêt l’éthique, la confidentialité à l’égard de la clientèle et un niveau élevé de connaissances spécialisées requièrent l’organisation de systèmes d’autorégulation, tels ceux qu’établissent actuellement les ordres professionnels ».
Ces lignes retracent le cheminement de la création de l’Ordre des Médecins en réponse au vœu permanent du corps médical, « au-delà de toutes les couches d’opinion de la nation », comme le rappelait en 1981 le Professeur Theil de l'Académie de médecine, et ceci dans un souci qui devait respecter la vérité historique et le devoir de mémoire liés à l’Ordre des Médecins.